Selon la tradition chinoise, l'intention (Yi) est le précurseur indispensable du Qi : sans intention le Qi ne peut pas venir.
Il faut bien faire la différence entre la volonté qui est du registre du mental, du raisonnement, et, de l'intention, qui est un engagement de soi et qui est du registre de l'esprit (Shen), résident dans le Cœur.
La puissance de l'intention est plus importante que celle de la volonté seule.
L'intention dans le Qi Gong.
En Qi Gong, l'intention donne un sens à la pratique. En effet, l'intention est lié à l'imagination, à la visualisation, si capitales pour les taoïstes dans les exercices de Qi Gong. Avoir l'intention de diriger le Qi dans telle ou telle partie du corps et le visualiser, permet effectivement d'emmener le Qi à l'endroit désiré. La Médecine Traditionnelle Chinoise dit " là où va le mental (l'esprit, shen), le Qi va."
L'intention va permettre de toucher du doigt la notion de "Mère du mouvement", qui peut être définie ainsi : "impulsion initiale qui déclenche un mouvement". Liée à l'intention, cette impulsion va permettre de "limiter" le mouvement aux tendons.
Prenons un exemple pour bien illustrer : pour s'installer dans la position Wuji (position d'attente) et avoir une bonne verticalité, il faut pousser le point du sommet de la tête (Bai hui) vers le haut. Mais il ne faut pas le faire musculairement : il faut juste avoir l'intention de le faire, pour déclencher l'impulsion nécessaire à mettre sous tension les tendons et instiller une tension minimale de maintient aux muscles du cou. Ainsi on obtient une extension avec un minimum d’effort, donc une fatigue musculaire moindre, et une circulation énergétique améliorée. Economie d'énergie, efficacité maximale.
Cette intention de faire le mouvement sans le faire, doit précéder tout mouvement, que ce soit en Qi Gong ou en Taichi. C'est aussi pour cela que le travail au ralenti est essentiel, afin d'avoir ce ressenti aussi finement que possible.
Au niveau physiologique, ce travail permet à la fois un renforcement et un assouplissement des tendons.
L'intention dans les arts martiaux.
Si l'on part du postulat précédent, que l'intention est précurseur du Qi, de nombreux exercices vont permettre durant l'entrainement d'augmenter la qualité et la quantité de notre énergie vitale. Notamment les exercices de renforcement du Dacheng Chuan (Boxe du grand accomplissement) et les Tui shou (pousse mains).
De ce fait, si l'on prend la chose par l'autre bout de la lorgnette, il devient possible à haut niveau, par le ressenti du Qi, de déceler les intentions de celui qui est en face. C'est le Sen Sen no Sen (terme japonais désignant une attaque effectuée juste avant l'attaque adverse), étape ultime suivant le Sen no Sen (attaque en même temps que l'attaque adverse : l'attaque dans l'attaque) (duanshou en chinois).
Cette perception de l'intention par le Qi et le travail nécessaire pour y parvenir sont à mon sens ce qui différencie vraiment l'art martial du sport de combat et du simple pugilat, portant notre pratique au rang d'Art.
Bruno Salerno.
